Ils sont tous trois issus du « modeste » millésime 2017. Ils sont de Bordeaux. C’est dire qu’ils ne siègent pas dans le rayon « tendance » au chapitre des achats que font les consommateurs. Comment d’ailleurs s’y retrouver parmi les milliers de petits domaines anonymes coincés dans l’Entre-deux-Mers et dans sa périphérie immédiate, ces Bordeaux et Bordeaux Supérieurs qui s’élaborent dans la discrétion, hors du circuit ronflant d’une presse spécialisée qui trouve plus facile à se prosterner devant ces 3% de Grands Crus que d’arpenter des sentier de vignes aussi percutants qu’inattendus sur le plan découvertes comme en témoignait cette semaine ce Château Tour de Sarrail 2018, Bordeaux, France vendu pour la dérisoire somme de 20,40 $ et dont il est fait mention avec éloge dans la toute dernière parution des Grapillés de la Semaine du 4 Novembre dernier ?
La réponse à cette question apparaît toute simple tout en étant claire comme de l’eau de roche: Sortir des sentiers battus et des grosses marques connues et exiger de votre SAQ et des agences promotionnelles un petit effort de ce côté. Pas besoin de payer cher pour boire un bon verre de Bordeaux. Un vin équilibré, digeste et qui a la gueule de l’endroit d’où il vient sont des critères que je retrouve de plus en plus du côté des vins girondins. À ce chapitre, et pour le même niveau de prix, ces “domaines anonymes” font la nique à ces vins de Bourgogne toujours aussi convoités.
Si les trois Bordeaux qui suivent commandent un prix qui est sans doute hors de votre budget, leur qualité n’est certes pas trois fois inférieures aux Grands Crus dont il est fait mention plus haut. Dégustés à l’aveugle, ils ont fait l’unanimité au plus récent Atelier Studio Vin. À noter que le 2017 de Le Puy provenait de mon cellier pour l’occasion. Le 2020 est actuellement disponible. Mon conseil: Trois bouteilles pour la cave, et vite !
1- Le Puy « Émilien » 2017, Bordeaux, France (36,50 $ - 709469)
J’ai besoin de mon « Moment Le Puy ». Pour me rassurer que le monde va bien. Qu’il ne court pas à sa perte. Même suite à cette étrange ré-élection américaine. Ce “Moment Le Puy” m’enracine et m’assure que la nature sera encore là quand l’homme aura déjà oublier qu’elle existait. Ce moment me convainc qu’il y a aussi du bien dans l’homme penché sur ses vignes et sa parcelle qu’il jalouse comme la prunelle de ses yeux. La famille Amoreau est de cette fibre, gardienne de rêves qu’elle ne prend pas pour des réalités mais bien des réalités dont elle façonne déjà les rêves à venir, millésime après millésime. Ce 2017 inscrit son moment dans la continuité de ces vins infusés avec tout autant de délicatesse que de respect pour les fruits du vignoble maison. L’évolution y est avec, encore en bouche, un fruité vibrant, soutenu, de belle maturité. Un rouge tactile, fondu et bien vivant qui rejoint tout doucement ces parfums terrestres qui lui ont donner vie. Encore plusieurs beaux « moments » à venir !
En fait, savourer Le Puy apaise et enchante. On n’y est pas bousculé mais bercé. On n’y est pas apathique mais tout de suite happé, sous le chant de merlots (ici pour 85% de la partition) à rendre jalouses toutes ces sirènes reléguées à seriner au chevet de cuvées plus stériles et standardisées. Ce rouge dépouillé de tout accessoire sinon de son fruit est un antidote au mensonge, à l’esbroufe, à la prétention et à l’orgueil des hommes. S’il existait un Nobel du vin, nul doute que la famille Amoreau en raflerait les honneurs. Pour services rendus à la vie !
(5+) ****
2- Clos Puy Arnaud 2017, Castillon Côtes de Bordeaux, Bordeaux, France (68 $ - 14591278)
On décrit ce domaine comme suit : « L’équivalent « Potentiel Terroir » de Puy Arnaud à Saint-Émilion nous amène sur un mix des propriétés suivantes : Clos Fourtet, Canon, Bélair-Monange, Trottevieille et Haut-Sarpe ». Vous conviendrez comme moi que ce clos est en excellente compagnie. Du moins côté terroirs. La confection se révèle être tout à fait à la hauteur. Une grande réussite dans ce millésime, avec ce fruité bien vivant mais surtout bien cadré, livré sur une bouche à la fois consistante et sapide, fraîche, profonde, passablement élégante. Un rouge qui retient par sa finesse la proposition qui lui confère son terroir calcaire, avec ce prolongement en bouche qui ne lasse pas. Superbe.
· Glané sur le site du domaine : « La propriété occupe 90 % de la surface du plateau calcaire sur la zone de Puy Arnaud, ce qui donne également au cru une singularité d’expression qui a justifié le choix d’en faire un Clos.
Qu’entend-on par la notion de Clos ?
Dans les grands vignobles, le clos/l’enclos est l’archétype du climat. C’est l’espace sacré, consacré, délivré de toute servitude civile. »(10) ****
3- Château La Dauphine 2017, Fronsac, Bordeaux, France (38,75 $ - 13932966)
Cette cuvée a du nez. Beaucoup de bouche aussi. Le fruité y est au premier plan, net et consistent, de belle maturité. Et puis il y a cette bouche, palpable à souhait, étoffée, structurée même, avec ce goût de cacao/café/boisé finement ajusté puis ces épaisseurs multiples qui doucement allongent la finale, avec beaucoup de panache. Ça sent le pays du gibier et des forêts sombres, l’écorce et le graphite, cette sensation de boire le vin d’un coin de pays intègre et généreux. Bref, ce Fronsac est aussi élégant et crédible qu’un cru Bourgeois du Haut-Médoc et sa confection, en tous points impeccable, le hisse au sommet des rouges situés au-delà la Dordogne.
(5+) ****
SUR LE PLAN NOTATION
Le vin est noté dans l’absolu
et non dans sa catégorie sur une base de ***** avec des 1/2 *
* : Peu inspiré
** : Correct
*** : Bon vin
**** : Grand vin
***** : Exceptionnel
Quand le boire ?
(5) : À son meilleur d’ici 5 ans
(5+) : Gagnera à se bonifier après 5 ans
(10) : Atteindra son plateau de maturité après 10 ans
© : Gagnera à séjourner en carafe
À noter que toutes évaluations et notations sont relatives.
Elles s’inscrivent dans une idée de temps, de lieux, de circonstances, de qualité d’échantillons et bien sûr de l’humeur – bonne ou mauvaise - du dégustateur !
Les quantités disponibles peuvent fluctuer d’une succursale SAQ à l’autre.