Que faire de ces foutus sucres résiduels ?
Avertissement : Ceci n’est pas un édito… édulcoré !
Les millénaires écoulés ont sans cesse vu le vin changé de style, de visage et d’expression, soumis en cela aux aléas de nouvelles innovations et découvertes, que ce soit sur le plan technique comme sur celles des modes passagères qui en altèrent elles aussi la physionomie. Bref, le vin en 2024 n’a rien à voir avec celui qui avait cours 300 avant le Christ tout comme en 1855 ou même, il y a 15 ans de cela seulement.
La purée infecte composée de poix, de résines et d’eau de mer qui composait l’essentiel du vin en amphore sous Jules César serait aussi imbuvable – selon nos standards gustatifs contemporain – avec, par exemple, ces bordeaux étriqués et bourrés d’acétate d’éthyle des années 1950 ou encore, de ces vins dits « naturels » des dernières années dont l’intégrité était aussi douteuse que celle d’un politicien fricotant à l’époque avec Al Capone. Sale, trouble, déviant, spolié, corrompu, pas net, en d’autres mots et votre terme sera le mien, pas du tout fréquentable.
Que viennent faire les sucres résiduels là-dedans me direz-vous ? Je ne sais plus qui exactement avait lancé le bal il y a quelques années sur le sujet – mon collègue à The Gazette Bill Zacharkiw peut-être ou encore Marc Chapleau alors rédacteur pour la SAQ ? -, toujours est-il que notre monopole d’État en a intégré les paramètres à même son site web, à l’image du degré d’alcool affiché. Curieuse approche tout de même qui élimine d’emblée ces autres analyses liées à l’amertume, à la salinité ou encore à l’acidité dont les équilibres peuvent fluctuer énormément d’un vin à l’autre. Et là, je tais volontairement la centaine d’adjuvants chimiques contenus dans votre verre de vin et dont vous ne voulez certainement pas entendre parler.
Les sucres. Même les bébés en raffolent ! Certains parlent même d’une drogue. Si les vins dit « doux » - ces champagnes, sauternes et autres rouges et blancs dont les fermentations se terminaient en queue de poisson - avaient la cote en d’autres temps et lieux, une obsession quasi-maladive s’empare du phénomène aujourd’hui. Il serait, à entendre certains, intolérable au risque d’être excommunié de boire ou même d’aimer des vins envisagés comme « secs » qui auraient disons plus de 4 grammes au litre de sucres résiduels. Et je ne vous parle pas ici d’une campagne de sensibilisation de l’Association des diététistes du Québec pardi !
J’y perçois actuellement une espèce d’acharnement, une croisade sans doute moins hygiénique que stylistique qui range en deux camps ces puristes plus près du degré zéro glucose/fructose que les autres qui se foutent royalement de ces derniers en autant que le vin soit bon. Il y a douceur et douceur, évidemment.
D’où cette notion capitale que je vous soumets en majuscule : ÉQUILIBRE.
Un exemple patent à la limite de la caricature d’un blanc équilibré ? Ce riesling de la Nahe en Allemagne doté d’un pH bas compensé par 6, 8, voire, 10 grammes et plus de sucre au litre. Vous n’auriez pas besoin de détartrage lors de votre prochain rendez-vous chez le dentiste s’il y avait ici zéro sucres au compteur ! Il y a tout de même des limites à être maso !
Plusieurs astuces cependant existent pour parvenir à s’assurer de l’équilibre d’un vin dans un contexte de cata-climatique qui en exacerbe les défis en raison d’une montée en puissance de l’alcool. Certaines nettement plus interventionnistes que d’autres. Vous avez entendu parler par exemple de désalcoolisation, d’évaporation sous vide ou d’osmose inverse puis de « rééquilibrage » des paramètres par la suite ? Vous ne voulez pas le savoir. Nous sommes dans une autre dimension, certainement pas celle du vin. Et puis que l’on arrête de me parler de « vin sans alcool » ! Les termes de soupe ou de boisson sans alcool seraient plus appropriés.
Il y a d’autres approches, heureusement. Celle qui me semble honnête – lire, sans trop trituré le vin – consiste, avec ces deux vins blancs dégustés récemment, à ne pas transformer tous les sucres lors de la fermentation pour en freiner le degré en alcool tout en préservant la fraîcheur de l’ensemble. C’est l’impression qui se dégage de ce Brecciarolo Blanc 2022 de l’italienne Angela Velenosi et le sauvignon blanc de François Lurton avec Les Fumées Blanches Réserve 2023 du côté des Côtes de Gascogne en France dont je vous ai déjà parlé dans les Grapillés et autres gourmands de la semaine ! Des équilibres parfaits pour des vins frais, plutôt légers et toujours digestes, malgré les quelques sucres résiduels ici parfaitement intégrés. Crier au loup relèverait dans ce cas à mon avis de la persécution maladive.
Mais avouons, pour clore cet édito, que je donne entièrement raison à ces mêmes personnes qui crient au loup quand, pour des raisons bassement racoleuses et commerciales, des entreprises vinicoles ajoutent à la fois le fond de teint, la couche de mascara et du rouge aux lèvres bien voyant à des vins qui sont plus près de l’image qu’on se fait des péripatéticiennes qu’autre chose. Le nom de ces proxénètes en puissance et qui sont de surcroît aussi parmi les meilleurs vendeurs à la SAQ ? Citons par exemple ces Liano (11 g/L), Cabernet Sauvignon Gallo (10g/L) ou Apothic Red avec ses 16 grammes au litre. Un peu de respect pour l’image des femmes tout de même !
Je me sais si c'est cette phobie du sucre mais depuis quelques années la saq ne propose plus de sauternes dans ses bordeaux primeurs, ce qui est fort dommage pour les amateurs
Merci pour ce texte éclairé !