Quelques marches et hop! vous êtes au paradis ! Avec l’Émilie Romagne au nord, les Abruzzes au sud et l’Ombrie à l’ouest, la région viticole des Marches et son port Ancona qui regarde l’Adriatique est sans doute l’un des secrets les plus jalousés d’Italie. Et je ne vous cacherai pas que je souhaiterais y écouler mes vieux jours. Vrai comme je vous le dis. Cela sans même y avoir mis les pieds !
Je vous mets au défi cependant d’y mettre le nez, la bouche et tout ce que vous voulez lorsqu’un verre de verdicchio, de pecorino, de montepulciano, de sangiovese ou de lacrima di morro d’Alba se retrouvent dans votre verre. Quelque chose de pastoral s’en dégage, quelque part entre Fragonard, Rubens ou François Boucher, telle une paix intérieure tapie dans les hauteurs cachées d’un arrière-pays où les chèvres vivent encore de transhumances saisonnières.
Les Marches (Le Marche en italien) sont en fait un pays de montagnes puis de collines en altitude où nichent les meilleurs parcelles et vignobles et le littoral enfin où terrasses et restaurants s’encanaillent d’une belle jeunesse friande de poissons et de passions à portée de regard. C’est aussi le coin de pays d’Angelina et d’Ercole Velenosi qui, à 20 km de la Grande Bleue du côté d’Ascoli Piceno, était parmi les premiers à mettre en bouteille leur production dès 1984. Des 10 hectares initialement plantés, la SRL Velenosi compte aujourd’hui 150 hectares de vignoble dont 16 ha récemment acquis du côté des Abruzzes où trebbiano et montepulciano sont rois.
« Saviez-vous que la commune d’Ascoli était déjà bien établie alors que Rome n’était encore qu’une rase campagne et ce, 1000 ans avant Jésus Christ ? », avançait Marianna Velenosi lors d’une toute récente dégustation de presse. Cette même commune approvisionne désormais en vins la célèbre capitale italienne mais aussi un marché international demandeur de blancs et de rouges modernes, parfumés et toniques, tout ce qu’il y a de digestes et de polyvalents à table.
Pas assez chers ?
J’aime à dire à la boutade à un vigneron que ses vins ne sont pas assez chers. Surtout lorsque la qualité et l’originalité des produits sont au rendez-vous. Je sais, je sais… que ça ne fait pas très commercial mais lorsque les conditions réunissant les paramètres de plaisir, d’authenticité, de prix mais surtout de régularité qualitative s’inscrivent dans la démarche, il faut être honnête et le dire franchement.
J’en ai pour preuve cette cuvée Il Brecciarolo Rosso Piceno Superiore aujourd’hui vendue à 15,80 $ (10542647 contre 13 $ il y a 15 ans) qui refaisait régulièrement surface à l’époque à l’intérieur de mon guide annuel des « 100 Meilleurs Vins à moins de 25 $ » pendant les 13 millésimes de parution du bouquin. Difficile d’avoir ici un parti pris, surtout quand ce rosso à base de montepulciano (pour 70 %) et de sangiovese brille une fois de plus par un fruité de texture d’un charme fou, un volume, un équilibre mais aussi en raison d’une fraîcheur exceptionnelle. Tout ce qu’il y a aussi d’exceptionnel déguster sur des rigatonis de blé dur, aubergines rôties, tomates cerises douces rôties et de Parmigiano. La notation de **1/2 à l’époque du Guide Aubry passe aujourd’hui à ***, ce qui augure déjà bien pour l’avenir !
La version en blanc du Brecciarolo (17,40 $ - 15321131) à base de pecorino, passerina et de verdicchio est toute aussi convaincante en raison de cette fraîcheur fruitée qui captive et transporte longuement. C’est aussi cette rencontre avec le cépage pecorino qui apporte sa touche sauvignonnée à l’image de ses collègues de Nouvelle-Zélande, une nuance de basilic frais que les graves fines – « breccia » se traduit ici par « petit cailloux » - affinent plus encore. Une cuvée élaborée depuis 40 ans avec aujourd’hui 45 000 bouteilles produites. Des blancs comme ça, sur un poisson frais savouré en regardant l’Adriatique c’est un peu comme écluser un seyval blanc de chez nous en regardant le large dans le Bas du Fleuve.
Et puis il y a, encore une fois à prix dérisoire, ce Verdicchio dei Castelli di Jesi Classico 2022 (15,85 $ - 11155665), un blanc sec électrisant, tonique, sapide et salivant au goût de fenouil, d’anis et de citron frais dont la salinité prolonge une finale nette, bourrée d’éclat. La grande journaliste britannique Jancis Robinson parle de ce verdicchio comme étant « Le chablis d’Italie ». Cette grande Dame du vin n’a pas tort. Surtout qu’il se négocie deux fois moins cher qu’un … petit chablis!
Enfin, ce Roggio del Filare 2020 (37,75 $ - 10268326), issu d’une parcelle de 6 hectares du côté de Castorano et plantée avec des montepulcianos (+ 30 % de sangiovese) de plus de 50 ans d’âge. Un rouge étonnant pourvu de tanins denses mais civilisés, ennobli par 18 mois de belle futaille, au goût profond de fruits noirs et d’épices. Encore, une fois, dégusté à l’aveugle, ce vin laisse derrière bon nombre de prétendants nettement plus prétentieux, et comme vous vous en doutez… plus chers. Couchez-le sur une côtelette d’agneau grillée, purée de patate douce et sauce à l’oignons caramélisés au thym. C’est dure la vie je sais mais encore faut-il la vivre avec dignité !
SUR LE PLAN NOTATION
Le vin est noté dans l’absolu
et non dans sa catégorie sur une base de ***** avec des 1/2 *
* : Peu inspiré
** : Correct
*** : Bon vin
**** : Grand vin
***** : Exceptionnel
Quand le boire ?
(5) : À son meilleur d’ici 5 ans
(5+) : Gagnera à se bonifier après 5 ans
(10) : Atteindra son plateau de maturité après 10 ans
© : Gagnera à séjourner en carafe
À noter que toutes évaluations et notations sont relatives.
Elles s’inscrivent dans une idée de temps, de lieux, de circonstances, de qualité d’échantillons et bien sûr de l’humeur – bonne ou mauvaise - du dégustateur !
À noter aussi que tous les échantillons reçus sont dégustés par l’auteur. Ils sont complétés d’achats ponctuels à la SAQ.
Les quantités disponibles peuvent fluctuer d’une succursale SAQ à l’autre.