Est-ce l’époque qui inspire habitudes et comportements en matière de pinard ? L’air du temps nous incite à penser que oui. Et de quelle matière invisible est composée cet air du temps ? Du plaisir de boire sain sans se casser la tête ni s’alourdir la vie avec des vins qui feraient éventuellement obstruction, en raison de monstres orgueilleux, puissants et capiteux assoiffés d’alcool ou encore, de rouges massifs et maillés de tanins à vous clouer le bec sans possibilité de l’ouvrir à nouveau.
Boire en somme des vins intègres, pas hypocrites ni prétentieux pour deux sous, respectueux d’autrui et prompts au dialogue entre les points de vue s’avèrent être la tasse de thé de celles et ceux qui en ont soupé de la cata, qu’elle soit cata-sociétale ou cata-climatique, tout en s’insérant dans le courant harmonieux d’un long fleuve tranquille. Il n’y a pas de mal à se faire du bien, non ?
Il y a aussi dans cet air du temps un sentiment d’évasion, d’une prise de liberté dans nos sensations qui se veulent être libérées des frustrations, lourdeurs et de ces autres petites prises d’otages mesquines de nos décisions trop souvent vouées à l’échec. Tout ça pour vous dire
quoi ? Que la revanche du vin glouglou est bel et bien là pour rester ! Comme si vivre ici et maintenant, avec des vins « poussent-la-vie » l’emportaient désormais sur ces vins « moussent l’ennui » aussi compliqués que prévisibles dans leurs moules aux contours aseptisés.
Il n’aura suffi que moins d’une génération pour assister à la montée fulgurante des vins natures, bios et biodynamiques. « Pratiqués » souvent depuis des lustres par des artisans qui ne recherchent ni les feux de la rampe ni ne cherchent à se péter les bretelles, ces irréductibles – dont les vins parfois étaient tout de même malpropres faut-il se l’avouer - ont été suivis dans leur démarche par d’autres, sans doute plus opportunistes et qui avaient flairé la bonne affaire.
À l’aube du millésime 2025, force est d’admettre qu’avec toutes les techniques œnologiques disponibles sur le marché mais aussi l’inspiration de quelques puristes de haut niveau, il se façonne aujourd’hui des glouglous de haute palatabilité qui se respectent et qui ont leur place dans nos sociétés dont le manque d’attention (TDAH ?), le manque de temps pour se concentrer et respirer par le nez ou plus simplement le manque d’intérêt pour des vins compliqués sont aujourd’hui une véritable bouée de sauvetage pour l’industrie. Et l’avenir dans tout ça ? Elle ne se fera pas avec des jajas insignifiants mais avec ceux qui trouvent leur niche sans se caricaturer eux-mêmes.
Dégustation chez A3 Québec
A3 Québec, qui rassemble quelques 80 agences de vins, de bières et de spiritueux dont 90 % des ventes à la SAQ (dont 50 % en importation privée) et totalisent plus de 4 milliards de revenus à l’intérieur du monopole, conviait la presse tout dernièrement en proposant 46 vins légers, frais et coulants, de hautes sapidités. Je les dégustais à l’aveugle, confirmant du coup cette propension à noter plus sévèrement ces derniers par rapport à une dégustation à visage découvert. Constat : Une moyenne notée de **1/2 pour l’ensemble, des prix forts décents et surtout, pas de mauvais vin. En voici quelques-uns brièvement commentés et notés.
- Sommariva, Prosecco Superiore Conegliano Valdobbiadene, Italie (22,20 $ - 14444391). Une mousseline de bulle, au goût de ferment et de pomme vanillée, impeccable d’équilibre. (5) ***
- Ca’ di Rjo, Pet Nat, LeMoss, Vénétie, Italie (16,25 $ - 14070886). C’est vivant et citronné, tonique et passionné. On en redemande ! (5) **1/2
- Le Pive Brut, Vignobles JeanJean, Vin de France (14493310). Du charme et encore du charme, avec sa touche florale et sa bouche ronde, peu acide. (5) **1/2
- Les Équilibristes 2021, Zestos, Vin de France (27 $ - 15108170). Du pineau d’aunis et du grolleau comme on les aime avec leur fine touche d’acidité et leur texture charnue bourrée de charme. Délicieuse finale aux nuances d’amande. (5) ***
- Laurenz V. 2022, Singing Grüner Veltliner, Kamptal, Autriche (19,95 $ - 11409320). Discrètement épicé et herbacé avec à la fois tenue et tonus. Belle affaire à ce prix. (5) ***
- Maison Cattin, Riesling Sauvage 2023, Alsace, France (18,35 $ - 13994542). Beaucoup de gueule, de personnalité que ce riesling bio plutôt sec aux notes de citron confit doublées d’une fine touche d’hydrocarbure. (5) ***
- Domaine Zinc « Portrait » Riesling 2023, Alsace, France (23,80 $ - 14286003). Étonnantes nuances de graine de moutarde pour ne pas dire de moutarde jaune que ce riesling bio bien sec dotée d’une jolie consistance, impeccable de dynamisme. Accompagné d’un bon hot-dog moutarde jaune/choux peut-être ? (5) **1/2
- Ficelle 2022, Alexis Hudon, Vin de France (24,05 $ - 14997761). Le colombard, la folle blanche et le melon de Bourgogne sont déjà ici de parfaits candidats pour mettre la table pour le vin glouglou. Ce nature va en ce sens avec son pourtour étoffé, soutenu, au goût franc de pomme, de grillé et de banane mûre. Toujours satisfaisant. (5) **1/2
- Domaine Lafage/Château St-Roch Côtes du Roussillon Corbarol 2023, France (13,85 $ - 15328738). Étonnant à ce prix ! Des grenaches, blancs et gris en grande forme mais tout de même discrets, d’une enviable densité et doté d’une séduisante touche épicée. Bel équilibre et d’une certaine longueur. Le Roussillon est encore une appellation nettement sous-estimée. (5) ***
- Château St-Thomas Obeidy 2023, Vallée de la Bekaa, Liban (18 $ -15336931). C’est votre première rencontre avec le cépage blanc obeidi ? À découvrir donc pour sa finesse, sa bouche texturée et sa finale anisée. (5) **1/2
- Les Marcellins, Christophe Pacalet, Collection RéZin, Beaujolais, France (19,35 $ - 14349051). Ce gamay nature ne vous cache rien et vous expose tout, avec candeur et simplicité, fraîcheur et coulant de texture. Du glouglou sur les stéroïdes ! (5) **1/2
- Samsó 2023, Domaine Cazes, Languedoc, France (22,40 $ - 15347963). On termine en beauté avec cette friandise fruitée d’un naturel désarmant, à la fois friand, épicé, de grande fraîcheur. Du cinsault comme on les aime et qui témoigne que ce grand cépage se décline avec beaucoup de crédibilité derrière son intrigante robe rosée-orangée. La maison Cazes ne s’y trompe pas, encore une fois. (5) ***
- Rouge Clair By Michel Chapoutier, Vin de France (18,85 $ - 15357328). Clair comme dans « clairet » ? Troquez grenache et syrah pour cabernet et merlot et vous êtes dans cette ambiance de béatitude fruitée quasiment dépourvue d’anthocyanes (tanins et matière colorante) et qui évoque ces bordeaux d’un autre siècle faibles en alcool comme en couleur et en structure. Chapoutier y a flairé la tendance avec cet assemblage en tous points conforme au vin glouglou dont le fruité sapide et parfumé glousse avec tout autant de fraîcheur que de franchise. À Rafraîchir sur une pointe de pizza aux légumes grillés. (5) **1/2
SUR LE PLAN NOTATION
Le vin est noté dans l’absolu
et non dans sa catégorie sur une base de ***** avec des 1/2 *
* : Peu inspiré
** : Correct
*** : Bon vin
**** : Grand vin
***** : Exceptionnel
Quand le boire ?
(5) : À son meilleur d’ici 5 ans
(5+) : Gagnera à se bonifier après 5 ans
(10) : Atteindra son plateau de maturité après 10 ans
© : Gagnera à séjourner en carafe
À noter que toutes évaluations et notations sont relatives.
Elles s’inscrivent dans une idée de temps, de lieux, de circonstances, de qualité d’échantillons et bien sûr de l’humeur – bonne ou mauvaise - du dégustateur !
À noter aussi que TOUS les échantillons reçus sont dégustés par l’auteur. Ils sont complétés d’achats ponctuels à la SAQ.
Les quantités disponibles peuvent fluctuer d’une succursale SAQ à l’autre.