Je n’y connais rien sinon si peu en matière de saké. Ne « riz et pas » pour autant. Car c’est en polissant que l’on devient polisson. Mais késaco saké ? Est-ce une anagramme, un anacyclique ou un palindrome ? Quelle que soit la figure de style, moi le riz je l’aime bien dans un sushi ou il devient shari; vous me suivez ? Moi non plus.
Vin de riz ?
J’ai beau ne rien y connaître, ce que je sais cependant c’est que le saké n’est pas un vin. C’est comme aligner dans une même phrase « vin sans alcool » et « vin de riz ». Un non-sens. Le vin est issu d’un fruit alors que le saké l’est d’une céréale. Premier constat. Si on ne met pas d’eau dans son vin pour le premier – le pressurage des baies suffit amplement -, le second par contre en exige pour le liquéfier. Second constat. Enfin, bien que vin et saké soient deux boissons alcooliques qui nécessitent des levures pour assurer leur fermentation, le saké lui, tire du koji-kin (une moisissure riche en enzymes) l’élément clé pour assurer ladite fermentation.
Tout les sépare donc bien que l’idée derrière la patente ne soit pas de les opposer mais d’en afficher les subtilités. Car nous sommes ici dans deux ambiances, deux styles, deux façons d’envisager la dégustation, le vin tablant sur une affirmation nette du trio cépage-terroir-climat pour affirmer sa singularité alors le saké tire à la fois de la variété de riz utilisé, de ses levures et de la qualité de l’eau (à l’image du scotch) pour nuancer ses propositions organoleptiques. Reconnaître à l’aveugle un saké devient un art que n’aurait pas renié le grand 宮本 武蔵 ou, pour les intimes, Miyamoto Masushi, pardon Musashi. Personnellement, je n’y suis pas encore !
Restons poli tout de même.
Plusieurs types de saké existent. Le niveau de polissage déterminant la qualité obtenue. Les experts, sans lesquels nous en serions encore à penser que le riz étuvé à grain long de l’Oncle Ben soit tout à fait approprié pour élaborer les meilleurs sakés, optent pour un riz à grain de petite ou de moyenne dimension de type japonica ou mieux, pour les crus comme le daiginjô ou le ginjô, du riz sakamai dont les vertus sont ici optimales pour le brassage. Sans vouloir vexer l’Oncle Ben en question, le son contenu dans la couche externe de son riz à grain long se prête mal au brassage d’où le fait de polir le grain pour tirer un maximum d’amidon propice à la fermentation ultérieure.
Comme vous ne vous contentez que du meilleur, ami lecteur, le taux de polissage des grands sakés que sont les Ginjô, Dainginjô et Honjôzô va au-delà des 25 % prélevé mais toutefois en-deçà de 35 % pour préserver les vertus de l’amidon. Dans cette logique, le Honjôjô aura 30 % du grain retiré par rapport au Ginjô (40%) et le Daiginjô « grignoté » de près de 50 % de sa matière. Ce sont les plus fins. De l’alcool et autres additifs sont souvent ajoutés pour rehausser à la fois le moelleux et la douceur sur le plan saveur.
À quelle température enfin déguster ces petits bijoux ? À peine rafraîchis ou à la température ambiante selon les fins palais. Quel que soit le yongobin (bouteille standard de 72 cl) de saké choisit – que ce soit le junmai plus riche en umami car moins poli que les précédents – vous trouverez votre bonheur à l’apéro ou à table sur des sushis bien sûr mais aussi sur un risotto aux cèpes ou aux truffes par exemple. La SAQ affiche plus d’une centaine (!) de sakés tous formats sur son site. Comme vous, j’ai dégusté les plus populaires sans jamais y avoir mis le prix. En voici deux de bon niveau de la Brasserie Kizakura récemment arrivés en tablettes.
Sake Nihonshu Bijito, Type Junmai, Kyoto, Japon (36,50 $ - 15291381)
La contre-étiquette indique que le polishing rate du riz (de la variété Koshi Hikari) est ici de 70 d’où l’ajout de koji pour stimuler l’amidon car trop pauvre à ce niveau de polissage. Toujours selon la contre-étiquette il est « corsé, sucré, sec, léger ». Nous sommes déjà sur le plan descriptif avec des mots simples mais précis mais sans le narratif plus émancipé accordé au vin. Quant au site de la SAQ, on parle de 14 grammes de sucre au litre. Ça se goutte quoique les amers et une bonne acidité équilibre l’ensemble. Ce Nihonshu apparaît plus discret au nez que le suivant, avec cette impression de petit lait suri, d’algues et de coquillages – se sont mes références -, le tout relevé d’une bouche douce-amère, texturée, longue en bouche. Gagne à être consommer à table.
Pas noté car en manque de références.
Saké Bijito Junmai, Japon (32,25 $ - 15291402)
On parle ici d’un polishing rate de 60 et de la variété de riz Yamada Nishiki. Le jour où j’imaginerai à l’aveugle le type de riz comme on le ferait d’un cépage n’est pas pour demain. Ni pour après-demain ! Je serais heureux que la « sommité moléculaire » François Chartier me guide ici pour en apprécier les nuances. On pourrait même poursuivre la dégustation sur sa propre création, soit le Saké Tanaka 1798 x Chartier Pavillon of Blend 001 2019 (84,25 $ les 500 ml – 15005058). D’ailleurs, faites-moi signe si vous l’avez déjà dégusté pour en faire profiter cette tribune !
Revenons à ce Bijuto Junmai. Même taux de sucres résiduels, même titre alcoométrique de 14,5 alc./vol. pour un nez nettement plus ouvert que le précédent, plus capiteux à ce qu’il me semble. On comprend rapidement pourquoi nos amis orientaux s’entichent de ce type de produit car chacune des gorgées en est une de satisfaction immédiate, à la fois rafraîchissante, tonique et intrigante, comme si on léchait à la fois une perle nacrée iodée-sucrée-amère que l’on sucerait jusqu’à plus soif - ce sont encore une fois mes références. Et puis il y a l’effet euphorisant de l’alcool qui à la fois « gèle » et « dégèle » la bouche, amplifiant au palais une texture douce-amère unique en son genre.
Toujours pas noté car en manque de références.
Kampaï!
乾杯
Bonjour monsieur,
J'aimais beaucoup votre chronique dans Le Devoir!
Le riesling Kirrenbourg Terroir S nous plait beaucoup mais il est épuisé.
Puis-je avoir votre suggestion?
Guy Marion