Les derniers arrivages à la SAQ vous font de l’œil ?
Permettez que je leur tire les lièges du nez pour vous aider à mieux les circonscrire. Qu’ils soient blancs, rosés, oranges, clairets, rouges profonds ou toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, qu’ils soient bios ou pas bios, naturels ou surnaturels, je vous les livre sans autres préjugés que celui qui se nourrit à même l’intégrité et l’émotion qu’ils inspirent.
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Semaine du 8 juillet 2024
Moins de 20 $
Hautes Pistes 2023, Aubert & Mathieu, IGP Pays d’Oc, France (19,70 $ - 15082740)
On retrouve avec la gamme de vin de Jean-Charles A. et de Anthony M. ce goût des fruits frais de l’enfance, lorsque l’on croquait par exemple dans une pomme et une poire juteuse ou que notre bouche mordillait mollement un morceau de brioche toute chaude. Les jeunes entrepreneurs « hors-pistes » nous proposent une jolie version de leur chardonnay de la Vallée de l’Aude, sur les contreforts pyrénéens. Un blanc tout simple mais dont la texture et la rondeur charment illico, le tout doublé d’une fraîcheur et d’un équilibre parfait. Vous n’avez aucune idée de ce qu’est un bon chardonnay ? À moins de 20 $, nuls doutes que votre brochette de poulet vous le chuchotera à l’oreille.
(5) ***
Le canon
Barolo del Cumune di Serralunga d’Alba 2019, Fontanafredda, Piémont, Italie (52,75 $ - 1524207
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Nous avons là la version bio de ce grand classique en tablettes depuis des décennies. Est-il meilleur pour autant ? Il offre en tout cas tout le panache d’un bon nebbiolo qui, sans rivaliser de profondeur, inscrit ses nuances d’épices, de graphite, de rose et de cuir frais sur une bouche élégante mais aussi subtilement consistante. Un rouge évidemment corsé mais sans enfiler les gants de boxe. C’est que monsieur sait se tenir en public !
(5+) ***1/2 ©
L’ami rosé
Marsannay Rosé 2022, Domaine du Vieux Collège, Bourgogne, France (35 $ - 15160031)
J’aime particulièrement les vins bios d’Éric Guyard. Qu’ils soient de Fixin ou de Marsannay, en blanc, rosé ou rouge, le bonheur de faire du vin y est manifeste, avec toute la personnalité fonceuse mais aussi méticuleuse de son auteur. Ici, pinot noir (pour 85 %) et chardonnay célèbrent un millésime de haute intensité, très pur et gourmand, habillé d’une texture qui tient le palais longuement, comme si le carpaccio de crevette, de pétoncles au jus d’agrumes ou la conversation engagée avec cette personne qui rosit sous vos propos enjoués coulaient de source. Un rosé de repas qui tiendra bien encore 2, 3 ou 5 ans de bouteille. Une maison fiable. Le 2022 arrive sous peu!
(5) ***1/2 ©
Le blanc
Pacheco Pereda «Estirpe» 2022, Vignoble Agrelo, Argentine (18,70 $ - 14957680)
L’Argentin boit rouge. Grilladin hors pair, il connaît bien la fibre d’une bonne viande rouge et de la réaction Maillard qui la caramélise tout en invitant un solide rouge à table pour l’occasion. Ce chardonnay ferait-il l’affaire alors ? Pas si sûr. Mais ce blanc sec bio peut aisément accompagner salades de légumes grillés et filet de poisson en nageant dans le sens du courant. Le fruité y est frais, passablement généreux, un chouïa exotique, simples d’expression mais franc et fort dynamique en bouche. L’affaire est belle à ce prix.
(5) ** 1/2
Le rouge
Beaujolais Supérieur « Cuvée Baron de Richemont » 2015, Château de Vaurenard, Beaujolais, France (23,30 $ - 12100050)
Gamay, gamay, que j’aime ta couleur gamay… (air connu). Serge Gainsbourg aurait fredonné cet air sous la douche, un verre de beaujolais bien frais à la main, que je n’en serais pas surpris ! Personnellement, à titre de fier compagnon-du-biberon-libre-du-Beaujolais, je fredonne encore et toujours la ritournelle avec une passion qui ne s’essouffle pas. Je rencontrais chez lui quelque part en 2016 le fort sympathique Ghislain de Longevialle, homme réservé, un rien mélancolique à ce qu’il m’a semblé, généreux de son temps comme de sa passion pour le gamay noir à jus blanc. J’apprends moins d’une décennie plus tard que notre homme jette la serviette. Non pas que le vin ne soit pas à la hauteur ! Non. Il n’y a pas de repreneur de ce domaine familial historique couvrant 25 hectares. Voici ce que j’écrivais lors de la mise en tablettes du 2010 (à 22,05 $ à l’époque !) : Le beaujolais tel qu’il était au XVIIIe siècle, le savoir-faire en plus. Des fruités qui chantent le temps qui passe, avec une délicieuse approche surannée, presque romantique de ton. Cuves bétons, deux ans de foudres et longues macérations (5 semaines en grappes entières) lissent des rouges au relief délicat, presque impressionniste. Les 2003, 2005 et 2009 de la cuvée Quintessence affichaient une rare opulence avec leurs nuances kirschées profondes et veloutées. Du très « bonjolais ». Vous tenez peut-être entre les mains les derniers échantillons livrés par ce domaine. Je vous les conseille vivement si vous apprécier des vins de fruit, vinifiés sans se presser, des gamays de cœur qui savent d’où ils viennent. Ce 2015 déjà ennobli par le temps se goûte fort bien. Il est à son meilleur. Notes de sous-bois, de cerise confite, de bois, avec une touche animale (pas de brettanomyces ici cependant !), un vin étoffé, à la fois sérieux, long et gourmand. Que j’aimerais pouvoir arrêter le temps et reprendre l’exploitation pour poursuivre l’œuvre du vigneron. On s’y met ensemble ? Oui, du beau bonjolais…
(5) ***1/2
Le bio
Cheverny 2022, Hervé Villemade, Loire, France (27,45 $ - 14227257)
En Centre Loire, les appellations Cheverny et Cour-Cheverny entre Blois et Orléans couvrent quelques 720 hectares de vignoble où brillent sauvignons, chardonnays et autres fabuleux romorantins. Hervé Villemade nous propose une expression fine des deux premiers cépages blancs avec une sensibilité et une clarté de fruit remarquables. L’homme en maîtrise ici la dynamique, organisant les fruités autour d’un axe où l’acidité fine porte l’ensemble sur une verticale où la soif jaillit tel un geyser dont on ne peut tout simplement être rassasier tant la proposition titille et excite. Tout cela dans un contexte aussi sain et intègre que naturel. J’adore !
(5) ***1/2
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Autres gourmands de vigne encore disponibles
Monséran 2019, Carinena, Espagne (17,30 $ - 10898723)
De vieilles vignes et un fruité qui témoignent de la densité et de la concentration de l’ensemble sans toutefois écraser le palais ou vous faire sentir idiot après boire. Du fruit, du fruit, beaucoup de grenache noire ici, savoureuse et moelleuse à souhait, soutenue par de beaux tanins fruités à peine épicés. C’est frais, corsé, parfaitement équilibré. Emmenez ici les mergez grillées sur un plateau d’argent ! Servir à peine rafraîchi.
(5) **1/2 ©
Château Tour St-Joseph 2019, Domaines Quancard, Cru Bourgeois, Haut-Médoc, Bordeaux, France (25,90 $ - 10752775)
Les cabernets ont fait leur lit pour parts égales avec les merlots dans ce joli millésime qui n’est ni trop puissant ni trop concentré. Une cuvée fort souple et bien fraîche qui ne manque pas de charme, titillée par des notes de café grillé et de bois qui en rajoutent sans que ce ne soit cependant trop envahissant. Bref, un bon verre de bordeaux, simple d’expression mais fort bien équilibré.
(5) **1/2
Domaine Vendange Crémant de Savoie Brut, France (30,50 $ - 15134116)
Faut-il encore remercier l’agence promotionnelle d’avoir dénicher cette petite perle pour mieux nous l’offrir en tablettes ? Absolument, car celle-ci vise juste, très juste même ! Pour ma part, sans doute le meilleur exemple de crémant de Savoie dégusté à ce jour. Ici la famille Vendange (quel nom prédestiné!) assemble les cépages jacquères, altesses et chardonnay pour part égale en livrant une mousse bio très fine, énergique et peu dosée (4 g./l.) dont le séjour sur lies couplé à la personnalité forte des terroirs locaux file en bouche comme une flèche qui atteint son but. Il y a de l’éclat dans le fruité et une maîtrise de l’ensemble assumée avec un rare doigté. Une merveille! Dépêchez-vous !
(5) ***1/2
Moulin-à-Vent « Les Caves » Très Vieilles Vignes 2022, Anita Kuhnel, Beaujolais, France (32,25 $ - 13211835)
Vous pensiez encore que le « bojo » est un p’tit rouge sympa à écluser cul sec sur le zinc d’un bistrot à gogo ? Si cette vison carte postale a du charme, reste qu’il peut aussi en être tout autrement avec des gamays qui eux, vous invitent à plus de sérieux. Ce qui ne veut pas dire non plus que l’on ne s’amuse pas ! Ces TVV de madame Kuhnel par exemple. Grosse pointure ici. En voilà un profond comme la nuit et large comme trois portes de grange derrière lesquelles sont entassés des paniers entiers de petits fruits noirs tous frais, bien mûrs, riches et texturés. Un rouge immense, puissant, encore très jeune, qui multiplie les épaisseurs pour mieux livrer en finale sa signature terroir. Une décennie de cave lui donnera à peine quelques rides. Sinon, deux bonnes heures de carafe et un verre Riedel Pinot Noir de la série « Veloce » l’effeuillera tout doucement sans toutefois lui permettre de livrer tous ses secrets. Il faut bien ménager une part de mystère ici !
(10) **** ©
Susucaru 2022, Frank Cornelissen, Sicile, Italie (35 $ - 14973111)
Le belge Frank Cornelissen a-t-il besoin de présentations ? Depuis 2001, dans la vallée nord-ouest de l’Etna, l’homme a créée de toutes pièces un environnement naturel où il observe, interroge, adapte et peaufine à la fois un jardin de 28 hectares où olivier, vignes, arbres et potager participent à une biodiversité de grande richesse. Cornelissen n’est d’aucune école. L’intégration non interventionniste et le « gros bon sens » qu’il pratique dans son environnement lui permet de livrer une batterie de cuvées aux expressions singulières, parfaitement maîtrisées, à des lieues d’une œnologie moderne standardisée. Après presqu’un quart de siècle, l’homme vous dira être parvenu à un idéal bien que la nature qui le guide a encore bien des secrets à lui livrer. Avec cette cuvée Susucaru élaborée principalement avec le grand nerelo mascalese, nous vibrons à la même fréquence que l’environnement d’où il est tiré, avec ce lent développement aromatique et cette plongée en profondeur où, derrière une impression de légèreté se précise toute de même des tanins fins et abondants en milieu et fin de bouche, à la façon par exemple d’un nebbiolo piémontais. C’est sec, détaillé, structuré, long en bouche et fort racé. Surveillez impérativement le Susucaru Rosato à venir sur les tablettes. Une maison d’exception pour des vins d’exception.
(5+) **** ©
Assyrtiko 2022, Alpha Estate, Grèce (39,75 $ - 14923244)
Tous les vins de cette maison méritent le détour. Dans un style moderne, les cépages y sont présentés dans un contexte où le fruité éclate avec brillance et tonicité, substance et équilibre d’ensemble. L’assyrtiko est assurémment l’un des plus grands cépages grecs avec cet espèce de mordant qui le pousse sans cesse “saliniser” le palais, le propulsant à la verticale avec beaucoup d’intensité et de panache. Une belle bouteille issue de la production d’une parcelle spécifique d’un peu plus de deux hectares que je vous invite à déguster sur quelques calmars frits ou grillés.
(5) ***1/2
Filetta di Lamole 2020, Fontodi, Chianti Classico, Toscane, Italie (40 $ - 15240171)
Si ma mémoire est bonne et espérant qu’elle le soit, la commune de Lamole dont les vignobles sont perchés en altitude (350 à 750 mètres environs) compte environ 8 ou 9 propriétés dont celle de la maison Fontodi ou encore, dans un autre style, celle de la maison Lamole di Lamole. Une région sauvage retirée des circuits touristiques et située à équidistance de Florence au nord et de Sienne au sud. Là, le grand sangiovese revêt un caractère un rien plus irascible en raison d’une roche mère qui laisse peu de place au couvert végétal avec, à la clé, cette impression de “minéralité” accrue. Visiblement, les vins sont ici de longues gardes. Ils se dépoient lentement, comme s’ils portaient une histoire secrète que l’homme peine à percer tant cette part de rigueur et d’austérité passagère les nimbent sans toutefois entacher leur charme. Ce Filetta a encore de beaux jours devant lui.
(10) **** (c)
Chablis 2022, Isabelle et Denis Pommier, Bourgogne, France (44,25 $ - 11890900)
L’impression lumineuse est celle d’un tableau du peintre Odilon Redon (1880-1916) dont les contours flous et vaporeux semblent graduellement se préciser lorsque l’œil s’y attarde un peu. C’est à la fois gracieux et éthéré, comme si le fruité jaillissait telle une source carbonique dont on sentirait finement le ruissellement perpétuel au palais. Ce chablis issu de l’agriculture biologique ne s’impose pas, il suggère. Par petites touches nuancées, titillements ultimes du fruit et du terroir mais aussi de la passion incarnée de ces deux splendides vignerons. C’est long, harmonieux, homogène et délicatement ciselé. Taquinez-le à l’apéro juste pour lui tirer le bonheur du verre.
(5) ***1/2
Pouilly-Fuissé « 1er Cru La Maréchaude » 2022, Manciat-Poncet, Bourgogne, France (44,75 $ - 872713)
Ce chardonnay est l’antipode de Chablis quoiqu’il en partage la même veine « minéralisante » mais dans une version disons, plus orientale. Nous le saisissons dans un millésime purement électrisant dans ce 1er cru situé tout juste à l’est de Vergisson. L’élevage barrique m’a semblé ici plus harmonisé à la cuvée qu’autrefois, plaçant à l’avant-scène un fruité qui se laisse porter et entraîner par la touche « minérale » ici seulement suggérée. Profil net, captivant et élégant d’un blanc sec dont on sent ici nettement le pedigree. Longue finale. Comment ne pas aimer ?
(5+) ***1/2 ©
SUR LE PLAN NOTATION
Le vin est noté dans l’absolu et non dans sa catégorie sur une base de ***** avec des 1/2*
* : Peu inspiré
** : Correct
*** : Bon vin
**** : Grand vin
***** : Exceptionnel
Quand le boire ?
(5) : À son meilleur d’ici 5 ans
(5+) : Gagnera à se bonifier après 5 ans
(10) : Atteindra son plateau de maturité après 10 ans
© : Gagnera à séjourner en carafe
À noter que toutes évaluations et notations sont relatives.
Elles s’inscrivent dans une idée de temps, de lieux, de circonstances, de qualité d’échantillons et bien sûr de l’humeur – bonne ou mauvaise - du dégustateur !
À noter aussi que tous les échantillons reçus sont dégustés par l’auteur. Ils sont complétés d’achats ponctuels à la SAQ.
Les quantités disponibles peuvent fluctuer d’une succursale SAQ à l’autre.