« J’ai des questions plein les bottes et des réponses pleines de notes » aurait chanté le grand Alain Bashung. Est-ce par manque de mémoire que l’on prend des notes lorsque l’on déguste un vin ? Au début, cela fait partie de l’apprentissage. On couche sur papier ses premières impressions, puis les suivantes, avant de recommencer le manège avec un autre vin. Une discipline s’installe qui frise la rigueur scientifique par sa méthodologie et permet de nourrir des archives qui, un jour, se substitueront à votre mémoire devenue défaillante.
Prendre des notes n’est pas un geste banal. C’est en quelque sorte un acte d’amour pour un produit, une situation, un contexte, que l’on tient à préserver de l’oubli. Dans le cas du vin, c’est aussi prolonger la dégustation par des mots qui, s’ils ne remplaceront jamais tout à fait le vin que l’on a sous le nez, en maintiennent la sève et l’esprit bien au-delà du tangible.
Et puis il y a ce petit côté vieux jeu, d’une autre époque, qui ne manque pas de charme même si nos téléphones-dictateurs-dictaphones veulent nous ravir ce plaisir intime de coucher sur papier, à la manière des journalistes d’autrefois, ces tranches d’intimités gribouillées. Ce ne sont que quelques mots au début, puis, de cinq mots en cinq phrases, on se surprend d’annoter le vin sur cinq pages comme si Proust ou Zola s’invitaient dans vos carnets. Le carnet de notes devient alors confident quand il ne vous fait pas vivre en différé une thérapie à bon marché.
Accumule-t-on les notes comme on le fait de bouteilles pour sa cave à vin ? C’est tentant, compulsif parfois, sans être toutefois une question de vie ou de mort. J’ai souvenir pour ma part d’une approche passablement studieuse merci lorsque mes premières compilations ont démarré, quelque part dans un gros cahier avant de rejoindre les pages du pratique carnet de notes. Non pas que le diable était dans les détails mais je tenais à avoir une description très détaillée du diable en question. Car décrire un vin ensorcelle et peut vous engager dans un tunnel dont on ne soupçonne pas la finalité tant on a l’impression que les mots vous provoquent en duel pour vous inciter de votre côté à accoucher du descriptif parfait.
Dans tous les cas, le vin mérite que l’on se souvienne de lui. Que ce soit pour lui comme pour vous, griffonner le temps sur papier marque à jamais ce moment dont le vin et vous deviennent - liés en cela dans un serment de fidélité intemporel - les complices accomplis. Prenez-en notes !
Merci de nous montrer de si beau cahier, Woaw! Vous êtes toujours aussi inspirant
Bonne journée!
Denise Bellemare