Vous voyagez depuis toujours le nez dans votre verre de vin à défaut de fouler le vignoble pour serrer la main magique du vigneron qui y consacre sa vie avec passion ? Il y a sans doute des limites à faire « Le tour du monde en 80 verres » et à avoir des fourmis dans les jambes! Pourquoi ne pas partir alors boire du pays et aller à la rencontre de ces femmes et de ces hommes qui ont déjà un tire-bouchon à la main pour vous débouchez de nouvelles aventures ?
Vrai que ce n’est pas une sinécure que d’être vigneron. Mettez-vous à leur place. Vous optez pour votre sieste quotidienne et dring ! dring! le « Club des amateurs de vins bios sans soufre coiffés de Diam 30 » débarque sans prévenir pour ne quitter ensuite qu’en n’achetant qu’une seule bouteille de vin … Voilà sans doute, de mon point de vue, une raison plus que suffisante pour ne pas embrasser le métier de vigneron, non pas pour cette simple bouteille vendue mais pour la sainte sieste sabotée ! Vous comptez prochainement vous déplacez chez l’habitant AVANT la stressante période des vendanges ? Quelques règles de bienséance devraient déjà figurer dans votre carnet de voyage. Détaillons.
Un peu de respect tout de même
Ponctualité. Le milieu de la restauration est aux prises depuis des années avec cette petite lâcheté crasse du consommateur appelée no show par les anglo-saxons, soit ces réservations faites au restaurant où, ultimement, le lascar en question ne se pointe pas, ayant, malicieusement prévu deux ou trois autres rendez-vous ailleurs qu’il honorera ou non selon son humeur ou le degré humidex ambiant. Un réflexe tout simplement immonde. Cette lâcheté ne devrait pas non plus vous inviter au mensonge en prétextant que le GPS qui vous tient lieu de boussole morale vous entraînait vers Aubigny-sur-Nère au lieu d’Aubigny-sur-Cher en raison d’une erreur typographique ou, nettement plus scélérat, que votre réveil matin encore sous le décalage s’est tromper de fuseau horaire. Un vigneron, bien que situé hors circuit touristique, ne porte tout de même pas au poignet une montre Apple en forme de sablier du temps. Autre point : Sachez quitter sans abuser de l’hospitalité de votre hôte. Son temps est souvent plus chargé que votre propre temps de vacances.
Présentation. Sonner à la porte d’une entreprise vinicole tongues aux pieds et marcel détrempé parce que vous êtes en retard ou que vous avez perdu vos valises vous expose déjà à être confondu avec Franck Dubosc dans son sketch « Le Kéké des plages » ce qui, entre vous, moi et Nadine de Rothschild, n’est pas très glorieux. Un minimum de décorum s’impose tout de même. Sans aller jusqu’au mimétisme de la salopette bleu de travail du vigneron, prévoir tout de même une petite laine pour anesthésier tout inconfort lié au séjour en cave de trois heures vingt minutes et ses 12 douloureux degrés Celsius. Vous me remercierez !
Attitude et courtoisie. Sur place, ne jouez pas les « ti-Joe-Connaissant » en vous vantant d’avoir bu la veille un « Mouton 45 » ou plus crâneur encore, ne comparez pas ce dernier avec le fruit de son propre travail. Évitez de plus de dire au vigneron comment il AURAIT DÛ faire son vin parce que l’utilisation chez lui de la barrique à 200 % vous asticote. Soyez à l’écoute et apprivoisez-le, surtout, intéressez-vous à son vin et profitez de sa présence pour en percer l’intimité. Il serait outrecuidant de faire un Alain Delon de vous-même en flattant outrageusement son vin sous ces « Paroles… Paroles… » chantées par la grande Dalida. L’honnêteté paie. Il appréciera. Cette attitude est un véritable sésame pour la suite. D’autres boutanches de derrière les fagots risquent alors - parce que vous avez une bonne gueule et que vous lisez assidûment « Du vin dans l’encrier » de votre substack préféré - d’être généreusement débouchées. Cela tout à fait gracieusement. La classe quoi. Ah oui ! Question attitude, n’hésitez pas à cracher le vin dégusté dans le crachoir prévu à cet effet. Vaut mieux prendre la route en emportant des bouteilles scellées que de les siffler toutes avant, dans cet emportement du moment que vous pourriez regretter.
Enfin, j’aime bien pour ma part pratiquer cet échange culturel qui consiste à offrir une bouteille de vin québécois au vigneron. À tout coup, le visage s’illumine. Le mien aussi quand, au moment de quitter, l’homme vous glisse parfois un ou deux flacons de sa propre cave. Bernard « Nady » Foucault (Clos Rougeard du côté de Saumur-Champigny) m’avait à l’époque gratifié de deux cols de sa cuvée « Les Poyeux » 2010. Qu’auriez-vous fait à ma place ? Il a eu droit à une canne de sirop d’érable en plus ! Est-ce de la corruption pour autant ?
De retour à la maison. Osez une correspondance épistolaire avec vos vignerons préférés. Ils apprécieront d’avoir votre avis. Décrivez-leur les vins que vous avez goûter chez eux. Ils seront toujours très sensibles à recueillir vos commentaires, surtout qu’avec des années de métier dans un même vignoble donné, ces gens manquent parfois de hauteur pour en apprécier les défauts tout comme les qualités. Soyez honnête sans être donneur de leçons encore une fois. Mieux, s’ils se déplacent au Québec pour une visite ou pour le boulot, invitez-les à la maison et servez-leur quelques beaux canons à l’aveugle, histoire de la dépayser un peu plus. Ils repartiront heureux de cette hospitalité qui nous caractérise nous, les Québécois. Surtout avec une autre canne de sirop d’érable dans leur valise !
D'excellents conseils! Merci Jean!
Judicieux conseils que je vais appliquer à la prochaine visite. Je n’aurais pas imaginé donner en cadeau une bouteille de vin à un vigneron !